Paysans et artisans RURAUX,

Leurs OBJETS et OUTILS du PASSÉ

 

 

Ces objets et outils étaient liés à la vie matérielle et au labeur quotidien des petits paysans, et de quelques artisans ruraux. Ils datent, pour la plupart, du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle ; quelques-uns sont sans doute plus anciens, quelques autres plus récents, dont certains sont encore un peu utilisés aujourd’hui : mais qu’en sera-t-il dans cinquante ans, dans cent ans ?

 

En septembre 1998, lors des Journées du patrimoine, nous avions exposé une centaine de ces outils anciens. En observant les nombreux visiteurs, nous avions remarqué que des enfants et des adolescents s’y intéressaient vivement, et qu’ils lisaient, avec attention, la fiche explicative accompagnant chaque objet présenté. Il nous est alors apparu que cette génération de la télévision, de l’ordinateur, des jeux vidéo, du téléphone portable et d’Internet, que cette génération-là, donc, savait s’intéresser au passé, pour peu qu’on lui en donne l’occasion. Nous avons alors pensé que, si nous leur transmettions ces objets, nous pourrions contribuer à leur faire prendre conscience que le passé constitue le terreau de leur présent et de leur avenir : l’idée de conservation du patrimoine s’imposerait alors naturellement à eux.

Dès lors, nous avons décidé – et proposé à Monsieur le Maire qui accepta aussitôt – de donner à notre commune ces objets anciens, à la condition que soit ouvert le musée communal des Montils, lequel les abriterait et les exposerait au public. Cet ensemble peut constituer un repère pour les générations futures. De plus, c’est une façon de rendre hommage à tous ces anciens petits paysans et artisans, connus ou anonymes, auxquels ces objets et outils ont appartenu : ces derniers constituaient souvent, pour eux et leurs familles, le seul moyen de vivre, voire de survivre, notamment dans des régions particulièrement défavorisées.

 

Chaque fois que cela fut possible, nous avons inscrit le nom des anciens qui furent concernés par ces objets : ceux qui les ont fabriqués, ceux qui les ont utilisés, parfois jusqu’à l’usure extrême. En outre, nous avons également rappelé le nom de tous les gens qui, généreusement, ont donné des objets, dont certains provenaient de leurs propres parents, grands-parents ou arrière-grands-parents ; qu’ils en soient, ici, publiquement remerciés (la liste de ces donateurs figure à la fin de cet ouvrage, ainsi que dans l’entrée du musée).

Faire perdurer les noms de tous ces donateurs nous a semblé important, en ce sens que ces noms sont aussi partie intégrante du patrimoine : par exemple, parmi les noms cités, sont représentées de vieilles familles du village et des environs, familles qui ont fait un moment de l’histoire des Montils. Il y aura parfois, forcément, des jeunes visiteurs qui auront la joie de reconnaître le nom de leurs propres anciens.

 

Pour trouver tous ces objets, il a fallu parcourir de nombreux vide-greniers, dans diverses régions de France, visiter bien des brocanteurs, pénétrer dans des décharges publiques et autres déchetteries, s’arrêter auprès de tas d’« encombrants » et autres « monstres », à proximité d’anciennes fermes ; un récupérateur de matériaux a accepté que l’on prenne régulièrement – et gratuitement – des outils anciens dans ses tas de ferraille destinés au pilon. Par ailleurs, le bouche à oreille s’est avéré efficace.

 

Le visiteur pourrait s’attendre à ne trouver ici que des objets complets, en bon état, restaurés, d’une esthétique indiscutable ; quelques-uns présentent ces qualités. Mais là n’était pas notre propos. Nous avons d’abord voulu présenter des objets du labeur quotidien, avec lesquels des gens, souvent pauvres – hommes, femmes et enfants confondus – qui les utilisaient,

pouvaient, tout simplement, espérer gagner leur nourriture, au quotidien : ce qui n’était pas forcément acquis tous les jours. Il faut dire que, à cette époque-là, les petits paysans étaient encore très nombreux et que, dans leur grande majorité, dans bien des régions, ils étaient de condition sociale modeste, voire réellement pauvres ; dans ces régions défavorisées – par exemple dans des villages de petite montagne comme le Morvan, l’Auvergne… –, leurs outils reflétaient bien souvent cette pauvreté, en ce sens qu’ils étaient fabriqués sans fioritures et bruts de forge par le forgeron du village, même si ce dernier était capable, dans bien des cas, de créer de véritables œuvres d’art ; mais, bien souvent, le paysan ne disposait pas de l’argent nécessaire pour rémunérer un temps passé supplémentaire. Presque aussi modestes étaient, souvent, les petits artisans de bien des villages et hameaux : tous ces artisans, d’ailleurs, possédaient quelques terres et un peu de bétail, afin de pouvoir « joindre les deux bouts » en exerçant, en complément, une petite activité paysanne.

C’est ainsi que les visiteurs découvriront des objets, outils et instruments, dans l’état où nous les avons trouvés (hormis le fait que nous avons tenté de les nettoyer, de les décaper, de les dérouiller le mieux possible, et puis de les cirer) : certains sont usés à l’extrême, car, en ce temps-là, on ne jetait pas, on faisait durer ; d’autres ont subi une réparation sommaire, parfois grossière, car il fallait, là aussi, pouvoir les utiliser jusqu’au bout ; il en est même qui ont été transformés pour un autre usage, car ils ne pouvaient plus, du fait de leur usure définitive, effectuer le travail pour lequel ils avaient été fabriqués : tant qu’il restait un morceau, on s’en servait, car on n’avait pas d’argent pour remplacer.

Les manches en bois ont souvent disparu, et nous avons pris le parti, la plupart du temps, de ne pas les remplacer ; de la même manière, lorsqu’il restait un morceau de manche, nous l’avons laissé tel quel. Certains outils étaient restés, parfois pendant des décennies, posés sur la terre qui les recouvrait plus ou moins, tout en étant exposés à l’humidité, aux intempéries : on observe ainsi que le métal a subi, de façon importante, les attaques de la rouille.

 

Ces outils ont été utilisés, à la sueur de leur front, par des générations d’hommes, de femmes et d’enfants, paysans et artisans ; ils témoignent d’un passé aujourd’hui révolu, dont il nous a semblé souhaitable d’en conserver, même modestement, des traces et la mémoire. Nous remercions les visiteurs d’y contribuer par l’intérêt qu’ils voudront bien porter à la visite de cette maison du passé laborieux.

 

 

Roger et Bernadette Simon-Brossard, Les Montils, mai 2011.